Investir dans la parité et le leadership des femmes

Adama Bah d’Oikocredit nous explique comment son organisation collabore avec des fournisseurs de services financiers afin de promouvoir l’autonomisation économique des femmes.

Adama Bah est analyste de la performance sociale pour Oikocredit. Elle est chargée d’améliorer la performance d’Oikocredit en tant qu’investisseur à impact social. En parallèle, elle développe des outils pour accroître l’efficacité de la gestion de la performance sociale et environnementale d’Oikocredit. Adama travaille depuis 15 ans sur des questions liées à l’inclusion sociale et au développement durable en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Portail FinDev : En tant qu’investisseur à impact social, Oikocredit est guidé par le principe d’autonomisation des personnes afin d’améliorer leurs moyens de subsistance. Comment procédez-vous ?

Adama Bah : Oikocredit est une coopérative internationale créée en 1975. Nous fournissons des prêts, des fonds propres et un renforcement des capacités à des organisations partenaires sélectionnées opérant dans les domaines de l‘inclusion financière, de l’agriculture et des énergies renouvelables afin de soutenir les personnes à faibles revenus. Actuellement, nous travaillons en partenariat avec plus de 350 prestataires de services financiers en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Notre travail contribue aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, et plus précisément à l’ODD 5 sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des jeunes filles. En effet, un grand nombre de nos partenaires ont pour priorité de répondre aux besoins de leur clientèle féminine.

Promouvoir le leadership des femmes au sein des organisations partenaires

Portail FinDev: Comment collaborez-vous avec ces partenaires pour promouvoir la diversité des genres et le leadership des femmes ?

Adama Bah : La représentation des femmes dans les postes décisionnaires  à responsabilités est importante pour toute organisation, et plus particulièrement pour celles qui proposent leurs services à une clientèle féminine. Twitter logo Depuis 2010, nous évaluons nos organisations partenaires sur la participation et le leadership des femmes dans le cadre de notre évaluation et de notre suivi régulier. L’utilisation d’indicateurs de genre nous permet d’intégrer ce sujet dans les échanges avec nos partenaires et ainsi de mesurer les changements mis en place.

Nous avons également adopté une approche basée sur le genre pour plusieurs projets de renforcement des capacités visant à aider nos partenaires à développer des produits améliorés et adaptés aux besoins financiers de leur cible. Aux Philippines, par exemple, le projet “Lutter contre les inégalités de genre dans la finance responsable” (Bridging the Gender Gap in Responsible Finance) a permis de former le personnel et la clientèle des Institutions de microfinance (IMF) afin de les sensibiliser aux déséquilibres entre les genres au sein de la famille et, ainsi, de favoriser l’autonomisation économique.

Au Ghana, nous travaillons en partenariat avec Plan International Canada et Plan Ghana sur le projet “Innovation des femmes pour des entreprises durables” (Women’s Innovation for Sustainable Enterprises ;WISE), qui vise à faire évoluer les mentalités sur les rôles des hommes et des femmes et à soutenir les femmes créatrices d’entreprises. Dans le cadre de ce projet, nous travaillons avec cinq organisations afin d’améliorer leur sensibilité à la question du genre, en particulier en développant des produits financiers tenant compte de la dimension de genre et répondant aux besoins des femmes entrepreneures.

Plaider en faveur de la diversité des genres

Portail FinDev: Avez-vous l’impression de devoir plaider en faveur du leadership des femmes et de la diversité des genres auprès de vos partenaires prestataires de services financiers ? Si oui, comment procédez-vous ?

Adama Bah : Certains partenaires d’Oikocredit comprennent parfaitement l’importance du leadership des femmes et de la diversité des genres, tandis que d’autres ont davantage besoin d’être convaincus. Le cas échéant, nous cherchons à sensibiliser sur l’importance de la diversité au sein de la direction des prestataires de services financiers (ou de toute autre organisation, d’ailleurs). Nous pouvons nous appuyer, par exemple, sur des études concrètes montrant les effets positifs de la diversité des genres en termes de performances financières et commerciales. Le leadership des femmes contribue à centrer davantage les organisations sur la clientèle, à réduire le risque de portefeuille et à améliorer la productivité et la fidélisation des employés, et bien plus encore.

Je pense qu’il serait également utile de sensibiliser les partenaires à la nécessité d’adopter une approche sensible au genre pour dévoiler les préjugés inconscients et leurs manifestations. En effet, cela peut contribuer à faire progresser la diversité des genres sur le lieu de travail, en particulier à l’échelle de la direction. Nous savons qu’ignorer la spécificité de genre engendre généralement un maintien de pratiques discriminatoires à l’égard des femmes. Twitter logo

Portail FinDev: Pour les prestataires de services financiers avec qui vous collaborez, quels sont les principaux freins aux progrès en matière de diversité des genres et de leadership des femmes ?

Adama Bah : D’après les retours de certains de nos partenaires, et d’après des recherches, le principal défi provient des normes sociales et des attentes concernant les rôles des femmes et des hommes dans les sociétés, les communautés et les familles. On attend des femmes qu’elles s’occupent des membres de leur famille et des hommes qu’ils subviennent à leurs besoins. La gestion de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est souvent confiée à la seule responsabilité des femmes, au lieu d’être une question abordée conjointement au niveau du ménage. Par conséquent, l’accès à des services de garde d’enfants de bonne qualité est généralement un facteur clé pour permettre la participation des femmes aux activités économiques et sociales, et ce à tous les niveaux.

Du point de vue des ressources humaines, il existe un ensemble de défis, tels que le manque de modèles, la nécessité de combiner les rôles reproductifs et professionnels (tout en étant censé donner la priorité au premier en raison des normes sociales déjà mentionnées), la gestion du syndrôme de l’imposteur et la tendance des organisations à accorder plus d’importance aux caractéristiques traditionnellement masculines lorsqu’il s’agit d’évaluer les performances. Ces facteurs risquent de passer inaperçus dans les organisations qui choisissent d’être indifférentes sur la question du genre et pensent qu’en agissant ainsi elles favorisent l’égalité entre les hommes et les femmes. Le recrutement, le maintien et la promotion des femmes sont donc essentiels pour faire progresser le leadership féminin.

Apprendre grâce aux organisations innovantes et sensibles aux questions de genre

Portail FinDev : Vous travaillez dans plus de 50 pays, avez-vous remarqué des tendances entre les différentes régions en ce qui concerne leurs points forts, ainsi que les domaines nécessitant des efforts ?

Adama Bah : En ce qui concerne la diversité des genres dans le leadership, l’analyse de notre portefeuille montre que les partenaires de microfinance qui sont des coopératives ou des ONG situées en Amérique latine (et qui comptent moins de 10 000 client(e)s) ont tendance à avoir plus de femmes dans les postes de direction que nos autres partenaires.

De façon plus globale, dans chaque région ou pays, certaines organisations sont plus innovantes et plus avancées en termes de diversité des genres, tandis que d’autres restent à la traîne. Au sein du réseau d’Oikocredit, nous avons l’opportunité de diffuser les connaissances, les ressources et les bonnes pratiques basées sur l’expérience des organisations innovantes les plus sensibles à la question du genre.

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