Les services financiers numériques (SFN), en particulier les services de mobile money, sont le moteur de la croissance de l’inclusion financière au Sénégal. Ainsi, selon Global Findex 2021, seuls 28% des adultes possèdent un compte dans une institution financière, mais 45% des adultes détiennent un compte de mobile money, contre 6% en 2014. Si les SFN offrent de nombreuses opportunités aux utilisateurs sénégalais, l’enquête nationale sur les risques liés à l’utilisation des SFN menée par le CGAP en collaboration avec l’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF) et Innovation for Poverty Action (IPA) révèle des défis importants : 90% des utilisateurs de SFN ont été exposés à au moins un risque au cours des 12 derniers mois et 32% ont perdu de l’argent en raison d’un risque auquel ils ont été confrontés. En outre, 39% ont fait face à des difficultés dans l’utilisation des SFN en raison de leurs faibles capacités.
Les utilisateurs de SFN au Sénégal sont très actifs quel que soit leur sexe et localisation, ils sont 98% à avoir utilisé au moins un service par mois au cours des 12 derniers mois. Une grande majorité utilise deux comptes de mobile money mais cet usage se concentre essentiellement sur des services basiques tels que les dépôts et retraits sur les comptes, la réception de fonds, les transferts de compte à compte ou encore l’achat de crédit téléphonique. L’offre de crédit et d’épargne digitale est très récente au Sénégal et encore faiblement adoptée.90% des utilisateurs de SFN ont été exposés à au moins un risque au cours des 12 derniers mois et 32% ont perdu de l’argent en raison d’un risque auquel ils ont été confrontés.
Lors de l’utilisation de ces services, les Sénégalais(es) sont confronté(e)s à quatre défis majeurs
L’utilisation active des SFN s’accompagne de l’exposition à des risques importants qui requièrent l’attention des acteurs de l’écosystème des SFN au Sénégal :
- Une transparence insuffisante : 55% des utilisateurs de SFN enquêtés ont affirmé ne pas avoir toujours été informés du coût du service avant d’effectuer une transaction. Alors que les prestataires affichent effectivement le coût de la transaction avant sa validation, le fait qu’une majorité d’utilisateurs ne perçoivent pas cette information interroge sur la manière dont l’information est diffusée et sa lisibilité, compte tenu du fait que 45% des utilisateurs ont un niveau d’éducation se limitant au primaire et 21% n’ont pas reçu d’éducation formelle.
- Une exposition significative aux tentatives de fraudes et d’arnaques : 43% des utilisateurs ont eu à faire face à au moins une tentative de fraude ou d’arnaques au cours des 12 derniers mois qui s’est traduite par une perte d’argent pour 18% d’entre eux (8% de tous les utilisateurs). Face à ce risque, les agents de mobile money, le point de contact de proximité pour les utilisateurs, n’alertent que 18% des utilisateurs (60% des utilisateurs en Côte d‘Ivoire reçoivent ces alertes de la part des agents).
- Des difficultés à effectuer les transactions en raison de la mauvaise qualité du réseau GSM ou de la connexion internet : 44% des utilisateurs ont fait face à cette difficulté au moins une fois au cours des 12 dernier mois, les exposant au risque de perdre de l’argent en raison d’un mauvais déroulement de leur transaction. Ainsi un utilisateur sur cinq a perdu de l’argent dans le processus.
- Des mécanismes de recours jouant insuffisamment leur rôle : uniquement la moitié de ceux qui ont fait face à au moins un défi dans l’utilisation des SFN ont contacté un agent ou le prestataire pour tenter de résoudre le problème rencontré. Ce chiffre inclut les utilisateurs qui ont perdu de l’argent, dans 49% des cas suite à une arnaque ou une fraude. Le manque d’information sur les manières de contacter les SFN constitue le plus grand obstacle à l’utilisation des canaux de plaintes disponibles pour les utilisateurs. Ce qui semble mettre en évidence une communication insuffisante et/ou inadéquate de la part des prestataires sur les mécanismes de recours qu’ils offrent à leurs clients. De plus, 39% des utilisateurs de SFN reconnaissent avoir des difficultés à les utiliser en raison d’un manque de compétences digitales, se traduisant par des difficultés à naviguer dans les menus et des erreurs dans le numéro de téléphone des destinataires de transactions. Par conséquent, une attention particulière doit être apportée à la conception de parcours clients adaptés à tous les profils d’utilisateurs, en particulier les plus vulnérables, et à la communication d’informations accessibles via une diversité de canaux et des messages compréhensibles par tous. Une attention particulière doit être apportée à la conception de parcours clients adaptés à tous les profils d’utilisateurs, en particulier les plus vulnérables.
Pour mieux prévenir et atténuer ces risques, la mobilisation de tous les acteurs de l’écosystème des SFN est nécessaire
Les échanges entre les acteurs de l’écosystème des SFN au Sénégal à l’occasion de la présentation des résultats de l’enquête ont permis d’identifier quelques actions préliminaires visant à trouver des solutions pour réduire ces risques. Une meilleure communication via les langues locales et une diversité de canaux, notamment via des relais locaux, permettrait de prendre en compte la diversité des profils des utilisateurs et améliorer la transparence et la capacité à utiliser les services.
Le renforcement des capacités devraient aussi s’intéresser aux agents afin qu’ils puissent mieux jouer leur rôle d’éducation sur la finance numérique et ses risques auprès des clients.
La lutte efficace contre la fraude et les arnaques requiert une collaboration étroite entre les prestataires de SFN permettant notamment des échanges d’informations et des campagnes communes de sensibilisation en direction de la clientèle. Pour ce faire, les cadres de collaboration existants entre les acteurs de l’écosystème devraient être renforcés et les questions de protection des consommateurs de SFN mieux prises en considération.
Autant de sujets dont les acteurs clés de l’écosystème doivent continuer à discuter pour ensemble bâtir un plan d’actions concret. Le Comité national de suivi de la mise en œuvre (CNSMO) des stratégies régionales et nationales d’inclusion financière et l’OQSF, dont le conseil d’orientation rassemble des acteurs clés de l’écosystème des SFN, pourraient porter ce plan d’actions en concertation.
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