Mobiliser l’épargne des agriculteurs : le pouvoir des organisations communautaires

Scale2Save partage ses enseignements tirés d’un projet impliquant les coopératives d’agriculteurs comme agents financiers en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, le plus grand pays producteur de cacao au monde, les fèves de cacao sont récoltées deux fois par an, de mai à juin et d’octobre à décembre. Entre les saisons de récolte, la plupart des petits exploitants agricoles ne génèrent pas de revenus, mais doivent pourtant faire face à des dépenses, notamment pour acheter des semences et des engrais. Parvenir à gérer les flux de trésorerie pour couvrir les coûts de production est un défi pour beaucoup : 72 % des agriculteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté et moins de 10 % ont un compte bancaire, selon une enquête du CGAP.

Le projet Scale2Save a été lancé en 2018 avec l’IMF Advans Côte d’Ivoire pour aider les petits exploitants agricoles à relever ce défi, en confiant aux coopératives agricoles le rôle d’agents financiers habilités à collecter l’épargne de leurs membres. Le projet s’appuie sur la relation solide et la grande confiance existante entre les agriculteurs et leurs coopératives.

Un lancement réussi

Trois ans après le lancement de ce projet, 24 coopératives sont entrées dans le dispositif. Chacune d’entre elles permet à environ 300 agriculteurs de déposer et de retirer de l’argent sur leur compte bancaire Advans au bureau de la coopérative. L’emplacement des coopératives, à proximité des exploitations des agriculteurs, en fait une option plus pratique et plus sûre que l’agence bancaire, généralement située à plusieurs kilomètres.

Les agriculteurs peuvent désormais déposer systématiquement une partie du produit de leurs ventes sur le compte de la coopérative pendant la saison des récoltes, puis effectuer des retraits plus tard dans l’année en fonction de leurs besoins. Cette épargne leur permet de lisser les flux de trésorerie et d’améliorer la gestion de la production agricole. À long terme, l’épargne des agriculteurs pourrait les aider à diversifier leurs sources de revenus en investissant dans un plus large éventail de cultures, et à gagner en autonomie financière par rapport aux coopératives.

Deux raisons principales ont poussé les coopératives à rejoindre ce projet. Premièrement, elles tirent un revenu des frais de transaction appliqués aux clients. Deuxièmement, et peut-être plus important encore, cette implication renforce leur relation avec les agriculteurs, ce qui a un effet positif sur la réputation de la coopérative et les possibilités de mise en réseau des agriculteurs.

Fin 2021, Advans avait collecté plus de 17 millions USD d’épargne auprès de quelque 86 000 agriculteurs par le biais de son réseau de coopératives.  Twitter logo L’objectif est maintenant de porter ce montant à plus de 19 millions USD auprès de 120 000 agriculteurs d’ici la mi-2022.

À long terme, l’épargne des agriculteurs pourrait les aider à diversifier leurs sources de revenus en investissant dans un plus large éventail de cultures, et à gagner en autonomie financière par rapport aux coopératives.

Défis et enseignements

Au cours de la phase pilote du projet, nous avons été confrontés à certains défis qui nous ont permis de mieux comprendre comment fournir un service efficace susceptible de renforcer la confiance de tous les acteurs dans le dispositif. Voici ce que nous avons appris :

  1. La motivation ne suffit pas, la formation est essentielle. Jouer un rôle d’agent tiers était totalement nouveau pour la coopérative et, malgré son enthousiasme, le personnel a trouvé cette fonction plus complexe que prévu. À l’origine, une seule formation était prévue, mais plusieurs se sont finalement avérées nécessaires à tous les niveaux du personnel pour garantir une adhésion à 100% de la coopérative et pour en faire un agent tiers pleinement opérationnel. Les formations étaient principalement axées sur la gestion des flux de trésorerie et l’éducation financière et numérique.
  2. Préparer la croissance avec des solutions d’automatisation. Parvenue à un certain niveau de développement du réseau d’agents des coopératives, Advans ne pouvait plus fonctionner sur la base d’échanges ad hoc avec chacun d’entre eux. L’IMF a donc dû mettre en place une solution d’agent bancaire sous la forme d’une application numérique permettant des transactions efficaces dans un réseau en pleine expansion. Cette application a permis d’éviter, ou de limiter, les erreurs dans les transactions et d’offrir un service rapide aux clients. L’automatisation du système améliore également le potentiel de croissance, rapprochant Advans de son objectif de toucher un plus grand nombre de clients dans différents secteurs agricoles.
  3. Développer des relations avec les opérateurs de réseaux mobiles pour assurer une bonne connexion du système au réseau. Pendant le projet pilote, il est apparu clairement que l’instabilité de la connexion au réseau mobile dans les zones rurales faisait obstacle à la capacité des coopératives à offrir des services financiers. Le problème le plus courant était la non-délivrance des SMS, un problème qui préoccupait les clients lorsqu’ils ne recevaient pas de confirmation des transactions, même longtemps après leur réalisation. Cette défaillance avait pour effet d’entamer leur confiance, pilier de la relation coopérative-agriculteur. La solution a consisté à approcher les opérateurs de réseaux mobiles et à leur demander de tout mettre en œuvre pour assurer un réseau mobile fonctionnel et stable pour les clients. Ce défi subsiste encore aujourd’hui sur certains sites.
  4. Concevoir les supports de communication en tenant compte des différents niveaux d’alphabétisation. Une grande partie des petits exploitants agricoles étant analphabètes, les outils habituels d’éducation financière étaient inadaptés. Pour relever ce défi particulier, Advans a développé des supports d’éducation financière graphiques et simples. En recourant à des illustrations et des explications étape par étape sur la réalisation des transactions, l’IMF a rendu ces supports accessibles à la fois aux clients alphabétisés et analphabètes.

    Perspectives pour l’avenir

    Malgré le succès rencontré jusqu’ici dans l’adoption du service, le modèle économique n’est pas encore viable pour le prestataire de services financiers. Après trois ans de mise en œuvre du projet, les données montrent un faible nombre de retraits à la coopérative, ce qui suggère que les frais ne sont pas attractifs et que les agriculteurs préfèrent consacrer du temps et de l’argent à se rendre à l’agence bancaire la plus proche où les retraits sont gratuits. Advans Côte d’Ivoire est en train de revoir la stratégie de tarification.

    En termes d’adoption, l’écart entre les sexes et entre les classes d’âge place l’IMF face à un autre défi. Sur les 86 000 agriculteurs participants à la fin de l’année 2021, les femmes et les moins de 30 ans ne représentaient respectivement que 11 % et 6 %. Advans collabore avec des ONG internationales et locales pour renforcer l’autonomie des agricultrices et prévoit de travailler directement avec des groupes de femmes en 2022.

    Les défis du modèle ne sont pas minces, mais l’impact potentiel est énorme Twitter logo, car 70 % de la population ivoirienne dépend à un degré ou à un autre de l’agriculture pour sa subsistance. Scale2Save partage les enseignements tirés de ce processus aussi largement que possible, dans le but de montrer la voie à suivre pour renforcer la résilience des petits exploitants et contribuer à l’inclusion financière.

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