En Afrique, l’énorme potentiel du marché de l’assurance agricole reste largement sous-exploité

Alors que la superficie de 80 % des fermes recensées sur le continent est inférieure à 2 hectares, le rapport souligne que la micro-assurance agricole peut constituer une niche prometteuse qui permettrait de toucher des centaines de milliers de petits exploitants.

Avec des projets très dépendants des financements apportés par des donateurs internationaux et une faible implication des assureurs privés, le secteur de l’assurance agricole reste peu développé en Afrique malgré l’immense gisement d’opportunités qu’il offre dans un contexte de recrudescence des événements climatiques extrêmes, souligne un rapport publié le 12 décembre par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.

Intitulé « L’assurance agricole en Afrique : un essor timide, mais un marché prometteur », le rapport précise que ce segment du marché de l’assurance est encore embryonnaire sur le continent. A peine, 1% des petits agriculteurs africains étaient assurés en 2016/2017 contre 15% en Amérique latine et près de 50 % en Asie.

Selon les données d’Allianz Re, les primes d’assurance agricole ont atteint 320 millions de dollars en Afrique en 2020, soit moins de 2 % du total des primes relatives à l’assurance non-vie.

Au plan mondial, le continent fait figure de petit poucet. Il représente moins de 1 % du volume global des primes estimé à 46 milliards de dollars, le marché étant dominé par les États-Unis et la Chine qui cumulent à eux deux 27 milliards de dollars de primes.

Outre sa taille réduite, le marché africain de l’assurance agricole est très inégalement réparti. L’Afrique du Sud est de loin le premier marché du continent, avec plus de 100 millions de dollars de primes en 2020.

La nation arc-en-ciel est suivie de très loin par le Maroc et le Botswana, qui cumulent des primes comprises entre 20 millions et 40 millions de dollars. Les deux autres marchés avec des primes dépassant la barre des 10 millions de dollars sont la Zambie et le Nigeria.

Plus généralement, les producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest et du Centre figurent parmi les moins assurés de la planète.

Des initiatives portées par les gouvernements

Le rapport indique également que l’assurance agricole a connu un véritable engouement de la part des gouvernements africains, qui y voient un moyen de limiter l’impact des catastrophes sur les revenus des petits producteurs et de renforcer la résilience des communautés dans un contexte de changement climatique. Avec le soutien de certains acteurs privés du secteur de l’assurance et les organisations internationales, diverses initiatives ont ainsi fleuri dans de nombreux pays du continent surtout dans l’assurance indicielle qui est perçue comme plus pertinente pour gérer les risques climatiques qui pèsent sur la production.

Au Zimbabwe, la société Blue Marble Microinsurance, joint-venture entre des leaders mondiaux de l’assurance, a par exemple lancé, en novembre 2016, un projet pilote d’assurance indicielle climatique qui permet d’offrir des services de micro-assurance aux petits agriculteurs. Avec l’assureur Old Mutual et le soutien du Programme alimentaire mondial (PAM), le projet prend en compte les risques comme les pluies excessives, les sécheresses et les cyclones. L’initiative aurait touché 25 000 personnes en 2021/2022 et aurait déjà versé plus de 200 000 $ depuis début 2023.

Au Maroc, le gouvernement a annoncé en décembre 2022, qu’il entendait fournir une assurance multirisque climatique pour une superficie de 1,2 million d’hectares de terres agricoles en 2022/2023, soit environ 14 % de la surface agricole totale du pays estimée à 8,7 millions d’hectares. Cette assurance multirisque climatique offre une protection complète des cultures contre six risques climatiques, à savoir la sécheresse, le froid, le gel, les vents forts et sablonneux, et le débordement des eaux, selon la Mutuelle agricole marocaine d’assurance (MAMDA).

Des initiatives similaires ont été aussi lancées au Kenya, au Cameroun, au Burkina Faso, au Sénégal, au Bénin et au Nigeria.

À côté du secteur public, les assureurs privés peuvent jouer un rôle prépondérant dans le développement de l’assurance agricole. Avec la recrudescence des événements extrêmes en raison du changement climatique, le besoin sera plus important pour aider le secteur agricole à faire face aux risques accrus qui pèsent sur la sécurité alimentaire.

Le dernier rapport d’évaluation de la FAO montre que 8 % du PIB agricole a été affecté entre 1991 et 2021 par des événements climatiques extrêmes comme les sécheresses prolongées et les inondations, soit le double de l’Asie et un niveau légèrement supérieur à celui enregistré en Europe et en Amérique (7,5 %). Ces dégâts considérables montrent que des opportunités existent pour les assureurs de développer des produits adaptés aux besoins des producteurs africains. La micro-assurance agricole constitue dans ce cadre une niche prometteuse pouvant permettre de toucher les acteurs à faibles revenus sur le continent africain, qui abrite 51 millions fermes dont 80 % ont une superficie inférieure à 2 hectares.

Plusieurs défis à relever

Selon le rapport « État des lieux de la micro-assurance 2022 » du Microinsurance Network, copublié avec la Fondation Munich Re, la valeur potentielle du marché de la micro-assurance agricole en Afrique pourrait atteindre 7 milliards de dollars en Afrique.

Avec un tel potentiel, les acteurs du secteur ont tout à gagner dans le développement des produits d’assurance agricole sur le continent. Plusieurs écueils restent cependant à surmonter. Il s’agit en premier lieu du défi de vulgarisation du concept de l’assurance agricole auprès des bénéficiaires. D’autant plus que le principe même de l’assurance peut paraître flou chez les exploitants étant donné que le paiement de l’indemnité n’a lieu que lorsque le dommage assuré survient. Si le dommage assuré n’arrive pas pendant des années, le paiement d’indemnité n’aura pas lieu. Cela peut susciter la méfiance des agriculteurs.

Le second défi concerne le manque de viabilité financière des projets d’assurance agricoles sur le continent. Ces projets ne peuvent pas jusqu’ici se passer de subventions, des prêts ou de dons des institutions internationales. Ce problème de viabilité financière peut être résolu, par un plus grand engagement des gouvernements africains dans le soutien aux compagnies d’assurance. Le coût élevé des produits d’assurance, qui sont encore peu subventionnés en Afrique, constitue également un obstacle au développement de l’assurance agricole. 2 % seulement des produits de micro-assurance agricole ont été enregistrés comme totalement subventionnés en Afrique, contre 40 % en Amérique latine et dans les Caraïbes et 20 % en Asie.

Et last but not least, le risque de base représente un défi de taille de l’assurance agricole en Afrique, en particulier de l’assurance indicielle. Ce risque qui désigne l’occurrence d’un décalage entre le dommage évalué par l’indice et la perte réelle subie par l’agriculteur assuré, peut conduire à une situation dans laquelle un exploitant peut payer une prime d’assurance et ne pas recevoir d’indemnisation en cas de sinistre. Ceci peut être lié à un défaut dans la qualité des données, dans leur modélisation, ou à la géographie. Il faut noter que certaines données climatiques pour être fiables, ont besoin d’être évaluées sur une période de 30 ans.

Agence EcoFin

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