LA CROISSANCE DEVRAIT REBONDIR EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE, MAIS LA REPRISE RESTE FRAGILE

Selon la dernière édition du rapport Africa’s Pulse (avril 2024), baromètre semestriel de l’état des économies africaines, la croissance devrait rebondir en Afrique subsaharienne, à la faveur de la hausse de la consommation privée et du recul de l’inflation. Après avoir atteint son point le plus bas à 2,6 % en 2023, la croissance économique en Afrique subsaharienne devrait rebondir à 3,4 % en 2024 et 3,8 % en 2025, principalement menée par une plus grande croissance de la consommation privée et une baisse de l’inflation qui augmentera le pouvoir d’achat des ménages. La croissance de l’investissement sera modérée, car les taux d’intérêt sont susceptibles de rester élevés tant que l’assainissement budgétaire limitera la croissance de la consommation publique. La contribution de l’économie mondiale à la croissance de l’Afrique restera modeste. Les prévisions de réduction des taux directeurs dans les grandes économies mondiales pourraient stimuler la croissance de l’investissement en 2025.

La baisse de l’inflation soutient le rebond économique dans la région.

  • L’inflation diminue dans la plupart des économies d’Afrique subsaharienne, mais son niveau reste élevé. L’inflation médiane dans la région devrait passer de 7,1 % en 2023 à 5,1 % en 2024 et à 5 % en 2025-2026. La normalisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, la baisse constante des prix des produits de base et les effets du resserrement monétaire et de l’assainissement budgétaire contribuent à faire baisser le taux d’inflation dans la région.

 * Bien que l’inflation recule dans la plupart des pays en 2024, elle reste élevée par rapport aux niveaux d’avant la pandémie : l’inflation devrait diminuer dans environ 80 % des pays africains par rapport à 2023, mais elle reste supérieure aux niveaux d’avant la pandémie dans 32 pays sur 37. En outre, 14 pays de la région affichent toujours des niveaux d’inflation élevés (à deux chiffres ou plus) cette année, mais avec une légère baisse du taux d’inflation médian qui passe de 25,9 % en 2023 à 24,8 % en 2024.

  • Ce tableau contrasté appelle différentes réponses de politique monétaire. Une pause dans le resserrement de la politique monétaire pourrait être justifiée dans les pays où l’inflation est en baisse et se situe dans la fourchette cible ou est très proche de celle-ci. Cependant, un resserrement monétaire combiné à un assainissement budgétaire reste essentiel pour les pays où l’inflation est élevée. La prudence en matière financière reste de rigueur pour éviter une résurgence de l’inflation dans les nombreux pays d’Afrique subsaharienne qui organisent des élections cette année.
  • La contribution des facteurs de la croissance mondiale reste faible et incertaine
    Le moteur de la croissance mondiale commence à se réactiver lentement. Au second semestre 2023, l’activité mondiale est restée résiliente, l’augmentation des dépenses privées et publiques ayant soutenu la demande globale malgré des conditions financières tendues. La participation accrue de la population active, la normalisation des chaînes d’approvisionnement et la baisse des prix de l’énergie et des produits de base ont contribué à l’activité économique mondiale dans un contexte d’incertitudes liées aux tensions géopolitiques et à la fragmentation géoéconomique. Néanmoins, la croissance des économies avancées reste cette année encore soumise à des contraintes. Les taux directeurs mondiaux restent élevés, ce qui entraîne un resserrement du crédit, qui pourrait freiner l’investissement privé. En outre, la croissance continue de la consommation des ménages pourrait être limitée par l’épuisement progressif du stock de l’épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie de COVID-19. En Chine, le climat de consommation morose, le risque de déflation persistante et les tensions constantes dans le secteur immobilier limitent les perspectives d’un retour aux niveaux de croissance du début des années 2010.

Les soldes budgétaires s’améliorent, mais à un rythme modéré
L’amélioration des soldes budgétaires se poursuit, grâce aux mesures d’assainissement budgétaire en cours dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne (par exemple, au Ghana, au Kenya et au Nigeria). Au Ghana et en Zambie, les négociations sur la restructuration de la dette
incitent à la prudence dans la gestion financière. Le déficit budgétaire médian de la région devrait diminuer légèrement, et passer de 3,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023 à 3,5 % du PIB en 2024. La plupart des pays de la région (31 sur 46) ont réussi à réduire leur solde budgétaire dont la médiane passe de 4,8 % du PIB en 2023 à 3,8 % du PIB en 2024. Cependant, les déficits budgétaires de ces 31 pays restent supérieurs à 3 % du PIB et sont donc importants. En outre, le nombre de pays présentant des déficits importants (dépassant 3 % du PIB) a légèrement diminué, passant d’un pic de 34 en 2022 à 27 en 2024. La vulnérabilité aux chocs mondiaux des positions budgétaires des gouvernements africains demeure un problème. Des actions politiques transformatrices visant à constituer des réserves budgétaires sont essentielles pour faire face aux chocs futurs.

Les obligations croissantes liées au service de la dette créent des problèmes de liquidité et évincent les dépenses de développement
La dette publique en Afrique subsaharienne devrait diminuer et passer de 61 % du PIB en 2023 à 57 % du PIB en 2024. Toutefois, le risque de surendettement reste élevé. Plus de la moitié des gouvernements africains sont aux prises avec des problèmes de liquidités extérieures. Certains font face à un endettement insoutenable ou cherchent activement à restructurer ou à réaménager leurs dettes. Les obligations liées au service de la dette publique sont devenues beaucoup plus pressantes, car les gouvernements de la région sont soumis au financement du marché et aux prêts gouvernementaux hors Club de Paris. Les emprunts extérieurs sont plus coûteux qu’avant la pandémie, même si les écarts de taux souverains diminuent progressivement depuis leur pic en mai 2023. Par exemple, le coupon de la nouvelle euro-obligation émise par le Kenya en février est de 9,75 %, contre 6,875 % pour l’euro-obligation arrivant à échéance en 2024.

L’escalade des conflits et de la violence fait peser de nouveaux obstacles à la croissance
* L’intensification des conflits et de la violence dans la région va continuer à peser sur l’activité économique. Bien que limités jusqu’à présent à de petites économies, les coups d’État militaires et le risque de contagion des coups d’État ont un impact significatif sur la confiance des investisseurs internationaux et la perception du risque dans l’ensemble de la région. Les tensions en Afrique de l’Ouest se sont aggravées avec la décision du Burkina Faso, du Mali et du Niger de quitter la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et la décision du Sénégal de retarder les élections. Au Soudan, la résolution du conflit entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide par le biais d’une médiation pourrait s’avérer difficile. En Éthiopie, la sécurité reste incertaine, les violences se poursuivant dans les régions d’Amhara et d’Oromia.
* Les conflits persistants et la violence organisée sont susceptibles de perturber la production et l’accès aux denrées alimentaires de base dans plusieurs pays (Burkina Faso, Mali, Niger et Somalie, entre autres). Les problèmes de sécurité alimentaire sont amplifiés par les chocs climatiques, dans la mesure où des sécheresses et des inondations fréquentes frappent l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe (Éthiopie, Kenya, Mozambique, Somalie et Zambie). Les perturbations de la pluviométrie, ainsi que la pourriture brune des cabosses de cacao, menacent la production de cacao et les moyens de subsistance des agriculteurs en Côte d’Ivoire et au Ghana. En outre, des facteurs tels
que la dégradation des sols, les ravageurs et les fluctuations du marché exacerbent les difficultés AFRICA’S PULSE > 3 auxquelles sont confrontées les communautés agricoles. Alors que l’on estime à 105 millions le nombre de personnes de la région susceptibles de connaître une insécurité alimentaire sévère d’ici mars 2024, il est impératif de mettre en place d’urgence et de façon intensive des interventions de soutien au secteur agricole.

Il est essentiel de  réaffirmer l’urgence de relancer la croissance

Le rythme de l’expansion économique dans la région reste lent et insuffisant pour avoir un effet significatif sur la réduction de la pauvreté. La croissance par habitant en Afrique subsaharienne devrait s’accélérer, passant d’un modeste 0,1 % en 2023 à 0,9 % en 2024 et 1,3 % en 2025.Toutefois, le renforcement prévu de l’activité économique reste bien en deçà du taux de croissance à long terme. En effet, la région est restée coincée dans un piège de faible croissance au cours des dix dernières années : si le taux de croissance de la région maintenait le rythme de 2000-14 sur la période 2015-26, le produit réel par habitant serait environ un tiers plus élevé que son niveau aux taux de croissance actuels.

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