L’année 2023 a été marquée par la présentation d’un nouvel outil, le tableau de bord de l’économie numérique inclusive (IDES), permettant d’affiner les politiques publiques en faveur des populations les plus défavorisées. Les acteurs gabonais ont, par ailleurs, défini une feuille de route afin d’appuyer le développement de la finance numérique. Plusieurs autres chantiers sont ouverts en 2024.
Recourir à des données fiables, pertinentes, quantitatives et qualitatives est un prérequis pour bâtir une politique appropriée et efficace en faveur de l’inclusion financière et numérique. La collecte et le traitement de ces données au Gabon est désormais possible grâce au tableau de bord de l’économie numérique inclusive (Inclusive Digital Economy Scorecard, IDES) développé par United Nations Capital Development Fund (UNCDF), dans le cadre du programme Finance Numérique pour la Résilience (DFS4Res).
Cet outil stratégique est désormais à la disposition des nouvelles autorités gabonaises et notamment du ministère de l’Economie Numérique et des Nouvelles Technologies de l’Information. L’IDES est un tableau de bord évolutif dont les indicateurs sont nourris par des données internationales et locales, actualisées chaque année. Il couvre quatre composantes essentielles : politique et réglementation ; infrastructure ; innovation et compétences. Ces composantes reflètent l’évolution de l’économie numérique inclusive, permettant ainsi de déterminer des axes de progrès. L’IDES ne renseigne pas seulement sur l’inclusion financière et numérique des jeunes, des femmes, des micros, petites et moyennes entreprises (MPME), il peut également fournir une aide à la décision afin de hâter la connectivité des administrations et la numérisation des PME gabonaises ; deux des priorités du Plan d’Accélération gabonais de la Transformation (PAT) 2021-2023.
Plaidoyer en faveur des start-ups de la tech gabonaise
Le Gabon souhaite, en effet, accélérer la digitalisation de son économie. Dans cette optique, un Groupe de travail sur la finance numérique (GTFN), regroupant des acteurs du secteur privé, a été constitué fin avril 2023 avec l’appui de l’UNCDF. Le GTFN compte parmi ses membres des opérateurs télécoms et de services de Mobile Money, des institutions financières, des incubateurs de start-ups numériques, des fintechs, une école numérique, notamment Bamboo EMF, Airtel Money, Gabon Télécom Moov Africa, Ecobank, Cofina, Ogooue Labs, InTouch, CLIKPAY Money ou encore École 241. Il associe, par ailleurs, des représentants du secteur public.
Le GTFN a établi une feuille de route pour 2024. Il a pour ambition d’être force de proposition auprès des autorités gabonaises, en particulier auprès du ministère des NTIC et du ministère de l’Économie et des Participations. Pour formaliser son action, le groupe prévoit de créer une task-force et d’adopter le statut d’association d’ici fin 2024. Parmi les objectifs retenus : cartographier les start-ups et les Fintechs du Gabon ; comprendre le marché du numérique ; identifier les problématiques et les enjeux relevant de l’inclusion numérique portant sur les sujets de réglementation, de régulation et de gouvernance ; créer une plateforme dédiée aux acteurs du numérique ; appuyer le développement des compétences numériques. Pour ce GTFN, il s’agira également de mener des actions de plaidoyer en faveur des start-ups de la tech gabonaise, pour une réduction des coûts d’interopérabilité au niveau régional, auprès de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC) et des autorités de régulation locales pour accélérer la délivrance des agréments et l’ouverture de compte BEAC, pour assouplir une partie des exigences (Know Your Customer, KYC) portant sur les documents requis pour l’ouverture des comptes des populations les plus défavorisées, qui ne possèdent pas de pièce d’identité, etc. Le plan de travail pour 2024 comprend également l’élaboration d’un start-up act pour le Gabon, permettant de reconnaître leur existence et leurs particularités en matière d’innovation.
Renforcer les compétences
Au cours de l’année 2023, le Gabon a pu également mettre l’accent sur le renforcement des capacités en finance digitale pour accroître sa résilience face aux crises et chocs externes ; un volet essentiel pour la compréhension et l’appropriation des enjeux du numérique par les parties prenantes. Des formations aux services financiers numériques, sur la protection des consommateurs, sur l’innovation réglementaire et sur les Fintechs ont été dispensées par l’institut sud-africain Digital Frontiers Institute et par Cambridge University, à destination des professionnels gabonais des secteurs public et privé, dont un tiers de femmes. Ces formations pour le renforcement des capacités ont été financées par l’Africa Policy Accelerator et par le programme DFS4Res. En 2024, UNCDF souhaiterait pouvoir étendre ce programme de renforcement des capacités, en intégrant de nouveaux parcours en ligne dédiés plus spécifiquement à un public francophone. Les responsables et cadres gabonais ont, en effet, pu parfois pointer des difficultés linguistiques lors de sessions tenues en anglais.
Du côté des usagers, tandis que les autorités gabonaises entendent accélérer la digitalisation des paiements, UNCDF se fait l’écho des acteurs gabonais du numérique et plaide pour le déploiement d’un projet de sensibilisation et d’alphabétisation numérique, dont les bénéficiaires resteraient à identifier. La pénurie de compétences numériques est un frein au développement de l’économie digitale. Des formations adaptées aux besoins des entreprises locales pourraient être proposées. De son côté, le GTFN pourrait initier un projet pilote visant des écoles primaires et secondaires.
Digitaliser les MPME et les chaînes de valeur agricole
UNCDF continue par ailleurs d’accompagner la Fintech CLIKPAY, nouvelle venue dans le paysage numérique gabonais grâce à l’obtention de son agrément d’établissement de paiement en novembre 2023. L’arrivée du service CLIKPAY Money permet de renforcer l’accès des populations, des commerces et de l’administration publique aux services financiers numériques, grâce à des canaux de distribution innovants et le développement du réseau d’agents et de marchands.
D’autres initiatives importantes sont sur la table en 2024. UNCDF souhaiterait encourager la formalisation du secteur informel gabonais via la digitalisation du processus d’enregistrement des MPME et dont la bancarisation serait facilitée via les services de Mobile Money. La dématérialisation, possible depuis la mise en place du guichet numérique de l’investissement (GNI), permet un gain de temps significatif pour les entreprises et facilite les échanges de données avec les administrations publiques. Ce processus prenait plusieurs mois auparavant. Une autre initiative est envisagée portant, elle, sur la digitalisation des chaînes de valeur agricole, notamment de la filière maraîchère, en partenariat avec la FAO Gabon, avec un pilote à lancer dans la région de l’Estuaire. L’UNCDF souhaiterait également pouvoir appuyer les parties prenantes gabonaises dans l’élaboration de leur Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF). L’un des premiers freins au développement des services financiers numériques dans le pays est clairement l’absence d’une telle stratégie. Les femmes, les jeunes et les populations les plus pauvres, notamment en zone rurale, demeurant éloignés des opportunités économiques.
Le programme DFS4Res a été lancé au Gabon en 2021. Ce programme est soutenu par l’Union européenne et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.